par Dr. Truchetti Geoffrey, DMV, MSc, DES, DACVAA
- Quel débit d’air frais doit-on utiliser (circuit bain)?
- Quel débit d’air frais doit-on utiliser (circuit ré-inspiratoire)?
- Quand vérifier les machines d’anesthésie?
- Comment vérifier les machines d’anesthésie?
- Quand devrait-on utiliser un ventilateur?
- Quelle température est acceptable en anesthésie?
- Devrait-on mettre en place une surveillance complète pour chaque patient?
- Quand doit-on changer la chaux sodée?
- Quel est le risque si le tube endotrachéal est trop long?
- Qu’est ce que l’espace mort ?
- Comment diminuer l’exposition à l’isoflurane (ou autres agents volatils)?
- Comment choisir entre un circuit bain et un circuit ré-inspiratoire ?
- Quelles sont les différences entre un circuit bain et un circuit ré-inspiratoire ?
- Quelle devrait-être la taille du ballon respiratoire ?
- Quel est le risque d’avoir un ballon respiratoire dégonflé pendant l’anesthésie ? et un ballon respiratoire trop gonflé ?
Quel débit d’air frais doit-on utiliser (circuit bain)?
Dans un circuit Bain, le débit d’air frais est responsable de l’élimination du CO2 en plus d’être une source d’oxygène et d’agent anesthésique.
La fonction d’élimination du CO2 est le facteur limitant le débit d’air frais à utiliser. Si le débit n’est pas adapté, le patient ré-inspire son CO2. Un débit de 100-660 ml/kg/min est recommandé (Seymour and Duke-Novarkovski 2007, Tranquilli, Thurmon et al. 2007), et à adapter en fonction du volume minute du patient (i.e. fréquence respiratoire x volume courant). Un débit de 150-300 ml/kg/min est souvent suffisant, mais cela doit être adapté selon les signes cliniques. L’utilisation d’un capnographe est recommandée pour ajuster le débit d’air frais au besoin du patient. Il est même parfois possible de diminuer le débit en dessous de 100 mL/kg/min, mais ce n’est pas recommandé en l’absence de capnographe.
Quel débit d’air frais doit-on utiliser (circuit ré-inspiratoire)?
Dans un circuit ré-inspiratoire, le flot d’air frais ne sert qu’à apporter suffisamment d’oxygène et d’agents anesthésiques. Le CO2 est éliminé par la chaux sodée.
Au début de l’anesthésie (ou au changement de machine d’anesthésie), le débit d’air frais doit être assez haut pour « charger » la machine d’anesthésie en agents anesthésiques et éliminer l’azote qui est présent dans la machine et l’arbre respiratoire du patient (dénitrogénation). Un débit d’au moins 100 ml/kg/min devrait être utilisé dans les 15-20 premières minutes d’utilisation de la machine. Une fois le niveau d’anesthésie stabilisé, le débit d’air frais conseillé est de l’ordre de 20-40 ml/kg/min (Seymour and Duke-Novarkovski 2007, Tranquilli, Thurmon et al. 2007). Techniquement, un débit plus faible pourrait être utilisé (5-10 ml/kg/min), mais cela requiert une surveillance accrue, notamment pour vérifier que le ballon respiratoire reste suffisamment gonflé et que le niveau d’anesthésie est stable.
Un minimum de 200-300 ml/min total devrait être maintenu, surtout en absence d’analyseur de gaz, pour s’assurer que la quantité d’agent anesthésique délivrée par le vaporisateur est fiable.
Quand vérifier les machines d’anesthésie?
Une vérification rapide de la machine devrait être réalisée avant le début de toute anesthésie. Cela inclut au minimum, l’inspection visuelle de la machine d’anesthésie et du circuit utilisé, notamment pour vérifier l’intégrité des appareils (fissures ou trous dans les tubes, notamment la tubulure interne des tubes coaxiaux), la présence de l’ensemble des éléments et que le bon circuit est connecté avec un ballon respiratoire de la taille appropriée, ainsi qu’un test pour vérifier les fuites dans le circuit. Ce test devrait prendre moins d’une minute à faire.
Une vérification plus complète devrait être réalisée au début de chaque journée ou après le démontage/remontage d’une machine. Les étapes de la vérification sont données dans la question suivante et dans ce vidéos : Vérification de votre appareil d’anesthésie avant chaque utilisation.
Comment vérifier les machines d’anesthésie?
Le détail de la procédure est illustré en vidéo et dans un texte explicatif. Pour résumer, cela inclut les vérifications suivantes :
- Intégrité du système (inspection visuelle)
- Source d’oxygène
- Débitmètre
- Vaporisateur
- Fuites dans la machine (test de pression négative)
- Branchement du bon circuit
- Valves et de la chaux sodée si applicable
- Taille du ballon respiratoire
- Fuites à haute pression
- Tubes internes (coaxiaux), si applicable
- Valve d’échappement
- Système d’évacuation
Quand devrait-on utiliser un ventilateur?
La ventilation à pression positive intermittente, telle que délivrée par les ventilateurs typiques d’anesthésie, est utile pour tout patient avec un problème respiratoire, incluant l’hypoxémie et l’hypercapnie. Sous anesthésie, le problème principal est l’hypoventilation, ce qui est facilement détectable à l’aide d’un capnomètre. Ce problème est très fréquent, mais est souvent sous diagnostiqués par l’absence de capnomètre.
Un CO2 en fin d’expiration au-dessus de 50 mmHg est une bonne indication à utiliser un ventilateur, à condition qu’il n’y ait pas de contre-indications à utiliser un ventilateur (certains type d’instabilité cardiovasculaire par exemple). Utiliser un ventilateur permet une meilleure gestion du personnel et du risque anesthésique en permettant de passer plus de temps à faire le suivi du patient, plutôt que de se concentrer à ventiler correctement le patient.
Quelle température est acceptable en anesthésie?
En dessous de 36°C, l’hypothermie commence à avoir des conséquences pour l’organisme, tels que :
- Diminution des besoins en agents anesthésiques, causant une potentielle surdose.
- Arythmie, bradycardie, diminution de la réponse aux drogues anticholinergiques.
- Frissons augmentant la consommation d’oxygène, alors que le système cardiovasculaire n’est pas capable d’en fournir plus
- Diminution de la coagulation
- Dépression du système immunitaire
La complication la plus fréquente est un réveil prolongé, conséquence d’une surdose relative en agent. Cela est néfaste pour le patient, et perturbe aussi le bon fonctionnement de l’équipe d’anesthésie et de chirurgie en ajoutant une charge de travail qui aurait pu être évitée.
Une température au dessus de 36°C est donc conseillée. Attention à ne pas induire une hyperthermie en tentant de maintenir un patient au chaud. Un suivi continu de la température pendant l’anesthésie est donc fondamental.
Devrait-on mettre en place une surveillance complète pour chaque patient?
Oui, une surveillance complète adaptée au patient est nécessaire. La définition de complet varie d’un patient à l’autre. De plus, installer les appareils de surveillance n’est pas suffisant, il faut qu’au moins une personne fasse un suivi actif et s’assure que les paramètres mesurés restent dans les limites de la normale.
Une étude rétrospective vétérinaire, portant sur 80 000 chats, a montré que l’utilisation de l’oxymètre de pouls et le suivi de la qualité du pouls diminuait le risque anesthésique chez les chats (Brodbelt, Pfeiffer et al. 2007). Les autres méthodes de suivi n’ont pas été incluses dans le modèle, car leur utilisation n’était pas assez fréquente au moment de l’étude. En médecine humaine, l’utilisation conjointe de l’oxymètre de pouls et du capnomètre permet de prévenir au moins 93% des complications per-anesthésie (Tinker, Dull et al. 1989).
D’un point de vue pratique, les appareils non-invasifs et rapides d’installation devraient être installés pour tous les patients : cela inclut l’oxymètre de pouls, le capnomètre, l’ECG et la pression non-invasive. Les appareils plus longs d’installation ou plus invasifs, comme la pression artérielle invasive, devraient être utilisés si besoin.
Quand doit-on changer la chaux sodée?
Idéalement, il faut changer la chaux sodée avant qu’elle ne soit épuisée. Différentes méthodes existent pour savoir quand la chaux sodée est épuisée et sont détaillées dans ce documents sur notre blog. Si votre nombre et le type d’anesthésie sont relativement constants, il est possible de changer la chaux sodée de façon régulière (par exemple en début de semaine). Sinon, il faut changer la chaux sodée si de la ré-inspiration est détectée, après un certain temps d’utilisation, ou quand la couleur change en fin d’anesthésie.
Changer la chaux sodée régulièrement, ou se fier au temps d’utilisation ou à la couleur, ne devrait pas empêcher de surveiller que la chaux sodée est bien fonctionnelle pendant les anesthésies. La seule méthode pour s’assurer que la chaux sodée fonctionne adéquatement est l’utilisation d’un capnomètre. Les autres méthodes (temps d’utilisation, couleur ou autres) ne sont pas fiables à 100% et pourraient paraître normales même si la chaux sodée est épuisée. Si le patient ré-inspire du CO2, il faut changer la chaux sodée, même si elle paraît blanche ou que cela fait moins de 14 heures d’utilisation.
Quel est le risque si le tube endotrachéal est trop long?
Utiliser un tube endotrachéal trop long augmente l’espace mort, la résistance et le risque d’intuber dans une bronche. La longueur du tube devrait être la même que la distance des incisives à l’entrée thoracique.
Un espace mort trop important augmente la quantité de CO2 ré-inspiré, causant une acidose respiratoire, dont les conséquences peuvent être néfastes pour le patient.
Si le tube est avancé trop loin, il y a un risque de placer le tube dans une bronche, empêchant alors la ventilation du reste des poumons. Cela cause peut causer une hypoxémie sévère, empirer par une hypercapnie.
Enfin, la résistance à l’écoulement de l’air dans le tube est proportionnelle à sa longueur (entre autres). Cela est rarement un problème comparé aux autres conséquences d’avoir un tube trop long, mais pour un patient qui serait déjà épuisé, cela peut faire une différence majeure.
Qu’est-ce que l’espace mort ?
D’une manière générale, l’espace mort peut se définir de deux façons : 1) l’espace qui est ré-inspiré sans changement de composition, ou 2) la portion du volume respiratoire qui ne participe pas aux échanges gazeux.
On peut définir plusieurs types d’espace mort :
- L’espace mort anatomique est le volume inspiré qui n’atteint pas les alvéoles (i.e. voies respiratoires supérieures et arbre trachéobronchique).
- L’espace mort physiologique est le volume inspiré qui ne participe pas à l’élimination du CO2.
- L’espace mort lié à l’équipement (ou mécanique) est l’espace dans l’équipement (tube endotrachéal, capnographe, circuit etc ..) qui est occupé par des gaz ré-inspirés sans changement de composition.
Les espaces morts anatomique et physiologique sont normalement quasiment similaires, sauf dans des conditions pathologiques, par exemple si des alvéoles sont bien ventilées, mais ne participent pas aux échanges (situation de « shunt »).
Il est important de savoir ou est situé l’espace mort ainsi que les facteurs et/ou équipements qui peuvent l’augmenter, car cela pourrait causer une acidose respiratoire sévère.
Comment diminuer l’exposition à l’isoflurane (ou autres agents volatils)?
Pour diminuer l’exposition du personnel aux agents volatils, il est recommandé de :
- Tester pour des fuites tout l’équipement
- Éviter l’induction aux masques ou dans des cages à induction
- Intuber tous les patients et gonfler le ballonnet du tube endotrachéal
- Connecter le patient au circuit d’anesthésie et tester la présence de fuite au niveau du tube endotrachéal avant de démarrer l’anesthésie au gaz.
- Utiliser le plus faible débit d’air frais possible pour diminuer la quantité de gaz passant dans le système d’évacuation
- Mettre un bouchon sur le circuit d’anesthésie quand il n’est pas utilisé
- Ventiler de façon adéquate l’aire de réveil (15-20 changements d’air par heure et pas de recirculation dans le bâtiment)
- Remplir les vaporisateurs en fin de journée
- Faire les maintenances requises par les compagnies d’équipement
Il est aussi recommandé de vérifier la concentration en gaz anesthésique tous les 6 mois.
Comment choisir entre un circuit bain et un circuit ré-inspiratoire ?
Le choix entre les deux circuits dépend des avantages et inconvénients de chaque circuit (cf. question suivante), mais la décision est souvent prise selon le poids du patient.
- Généralement on considère qu’en dessous de 5kg le circuit Bain devrait être utilisé, car le patient ne sera pas capable de compenser la résistance du circuit ré-inspiratoire.
- Au dessus de 10 kg le circuit ré-inspiratoire devrait être utilisé, car le patient est suffisamment fort pour compenser la résistance. En plus, au-delà de 10-15 kg, l’utilisation du circuit Bain ne sera pas économique.
- Entre les deux poids, c’est une zone grise. Le risque d’utiliser un système ré-inspiratoire est d’augmenter la résistance durant la respiration, empêchant le patient de respirer correctement; par contre, utiliser un système ré-inspiratoire diminuera l’utilisation d’oxygène et d’agents, polluant moins et coutant moins cher, et participera à conserver la chaleur du patient.
Quelles sont les différences entre un circuit bain et un circuit ré-inspiratoire ?
Avantages et inconvénients du circuit Bain
- Avantages
- Changement plus rapide de niveau anesthésique
- Moins de résistance à l’inspiration
- Débit air frais
- 150-200 mL/kg/min
Avantages et inconvénients du circuit ré-inspiratoire
- Avantages
- Moins de consommation d’agents anesthésique et d’oxygène ($)
- Gaz inspiré réchauffé et humidifié => moins de perte de température
- Plus écologique
- Fresh gas flow
- Initialement 100ml/kg/min puis 20-30 mL/kg/min
- Minimum 200-300 mL/min
Quelle devrait-être la taille du ballon respiratoire?
La taille du ballon respiratoire devrait être suffisante pour que le patient puisse prendre une profonde inspiration sans que le ballon ne devienne complètement vide. On considère qu’il faut que le ballon soit environ 5 à 10 fois le volume courant du patient (qui est de 10-15 ml/kg chez les chiens et chats). Pour calculer simplement, on peut prendre un ballon de 1L par tranche de 10kg de patient, en arrondissant au supérieur. Par exemple, pour un chien de 20kg, un ballon de 2 L serait suffisant.
Quel est le risque d’avoir un ballon respiratoire dégonflé pendant l’anesthésie ? et un ballon respiratoire trop gonflé ?
Si le ballon est dégonflé : quand le patient inspire et que le ballon est dégonflé, il n’y a pas assez d’air en réserve dans la machine pour que le patient puisse compléter son inspiration. Une pression négative est alors générée dans la machine et dans les voies respiratoires du patient, ce qui peut causer de l’œdème pulmonaire et diminuer la qualité des échanges gazeux. Il faut donc augmenter le débit d’air frais utilisé.
Si le ballon respiratoire est trop gonflé, cela peut signifier que l’évacuation ne fonctionne pas bien ou que le débit d’air frais est trop important. La première situation peut être dramatique, car la pression dans le circuit pourrait augmenter de façon importante, causant des lésions sévères au patient. La première chose à faire est donc vérifier la pression dans le circuit puis vérifier que l’évacuation de la machine fonctionne correctement (valve bien ouverte, pression négative fonctionnelle etc …). Si la pression dans la machine est normale, cela peut signifier que le débit d’air frais utilisé est peut être trop grand pour les besoins du patient, et peut donc être réduit. En tant que tel, tant que la pression est proche de la pression atmosphérique, un ballon trop gonflé n’est pas néfaste pour le patient, mais peut gêner pour faire le suivi du patient (fréquence respiratoire prise sur le ballon). Sur un circuit Bain, diminuer le débit d’air frais en dessous de 150-300 ml/kg/min pourrait causer de la ré-inspiration; il est donc conseillé de faire un suivi du CO2 inspiré à l’aide d’un capnomètre.