Introduction
La chaux sodée est l’élément responsable de l’élimination du dioxyde de carbone (CO2) dans les circuits ré-inspirant (ou circulaire). Si la chaux sodée n’est pas fonctionnelle, le CO2 s’accumule et est ré-inspiré, causant de l’acidose respiratoire qui est néfaste pour le patient.
Éléments clefs pour savoir s’il faut changer la chaux sodée
- Ré-inspiration de CO2 mesurée au capnographe
- Changement de couleur
- Changement de température du réservoir
- Signes cliniques
- Aspect des granules
- Temps d’utilisation
Mesure du CO2 inspiré
La manière la plus précise de savoir si la chaux sodée est fonctionnelle est de mesurer le CO2 inspiré par le patient. Cela peut se faire avec un capnographe. La figure 1 montre le tracé obtenu lors de ré-inspiration de CO2. On observe une augmentation du CO2 inspiré : la courbe ne revient pas à 0 lors de l’inspiration. La forme du tracé est normale, et la valeur de CO2 en fin d’expiration est aussi plus haute que la normale.
Figure 1 : Tracé de capnographe observé lors d’épuisement de la chaux sodée (jaune) et un tracé normal (gris). La courbe ne revient pas à 0 lors de l’inspiration, mais la forme du tracé est normale. La valeur du CO2 expiré est aussi plus élevée que la normale.
Changement de couleur de l’indicateur
Lorsque la chaux sodée fixe le CO2, de l’eau et de la chaleur sont produite, et le pH change. L’indicateur coloré contenu dans la chaux sodée change alors de couleur (le plus souvent de blanc à mauve), indiquant que la chaux sodée est épuisée.
La chaux sodée devrait être changée lorsque les 2/3 ont changé de couleur. Attention, la chaux redevient blanche après un certain temps lorsqu’elle n’est pas utilisée. Lors d’une nouvelle exposition au CO2, la chaux sodée redevient rapidement violette. De la chaux sodée qui est restée inutilisée peut donc donner une fausse impression de sécurité. Il est donc important de vérifier la couleur de la chaux sodée en fin d’anesthésie.
De plus, si la chaux sodée est mal tassée dans le réservoir, un phénomène appelé “canalisation” peut se produire : le flot d’air est canalisé et ne passe que dans une petite partie de la chaux sodée, qui s’épuise rapidement. Le patient ré-inspire alors du CO2. Le reste de la chaux sodée reste blanche, donnant un faux sentiment de sécurité. La figure 2 illustre ces processus.
Le changement de couleur est donc un outil utile, mais pas toujours fiable.
Figure 2 : Illustration de l’utilisation de la chaux sodée. Les cercles mauves représentent les granules ayant fixé du CO2. Les cercles blancs représentent les granules pouvant fixer le CO2
- A) Réservoir non utilisé, ou après avoir un certain temps sans être utilisé : toutes les granules sont blanches.
- B) Après une faible utilisation : l’absorption ne s’est faite qu’en haut du réservoir et un peu sur les côtés.
- C) Après une utilisation quasi complète, le réservoir paraît complètement mauve car les granules situées sur le côté du réservoir sont épuisées.
- D) Chaux sodée surutilisée, les seules granules qui peuvent encore fixées du CO2 sont situées au centre du dernier tiers du réservoir, le patient ré-inspire du CO2.
- E) Phénomène de canalisation, l’air passe préférentiellement par un canal dans le réservoir, la chaux sodée n’est plus efficace, mais le réservoir parait toujours blanc. Le patient ré-inspire du CO2.
Produits apparentés
Autres signes
Comme dit précédemment, la fixation du CO2 par la chaux sodée libère de la chaleur et de l’eau. Durant l’anesthésie, le réservoir devrait être légèrement chaud au touché et de la vapeur d’eau devrait être visible sur les parois. La quantité de chaleur et de vapeur d’eau générée dépend de la quantité de CO2 éliminée. Si le système est utilisé avec un débit d’oxygène élevé (100 ml/kg/min), le CO2 n’est pas totalement éliminé par la chaux sodée, le réservoir pourrait donc paraître froid au toucher. Si le réservoir reste froid après un certain temps d’utilisation avec un débit d’oxygène adapté (20 ml/kg/min sur un circuit ré-inspiratoire standard), il est important de vérifier les autres signes d’utilisation de la chaux sodée.
Si le patient ré-inspire du CO2, les signes cliniques seront : augmentation de la fréquence respiratoire, augmentation de l’amplitude respiratoire, une augmentation du tonus sympathique (augmentation de la fréquence cardiaque), vasodilatation, muqueuses rouges. Une analyse des gaz sanguins révèlerait une acidémie respiratoire. En l’absence de capnographe, si ces signes apparaissent, il est important de considérer l’épuisement de la chaux sodée dans le diagnostic.
L’aspect des granules peut aussi donner un indice. Normalement, les granules sont relativement souples et friables. Si les granules sont dures et cassantes, cela suggère qu’elles ne seront plus efficaces. Cela a surtout de l’importance lorsque vous changez la chaux sodée. Si un paquet de chaux sodée est resté ouvert et que la consistance est différente par rapport à d’habitude, il est possible que la chaux sodée ne soit plus efficace.
En absence de capnographe, même si la chaux sodée ne change pas de couleur, il est recommandé de changer la chaux sodée après un certain temps d’utilisation. Pour une machine classique dans les petits animaux, Dispomed conseille de changer la chaux sodée après 14 heures d’utilisation sur leur machine. Cela reste une estimation, il est possible que vous ayez à changer la chaux sodée plus souvent.
Enfin, si de la poussière est présente dans le réservoir, s’il y a des fissures dans le réservoir, ou s’il n’est pas rempli complètement, il faut changer la chaux sodée et potentiellement le réservoir.
Conclusion
La chaux sodée est un élément clef dans un circuit ré-inspirant. Comme avec beaucoup d’équipements d’anesthésie, une mauvaise utilisation peut être néfaste pour le patient, voire létale. Seul le capnographe permet de s’assurer que la chaux sodée est fonctionnelle. Les autres éléments sont des indicateurs qu’il faut changer la chaux sodée, mais ne sont pas fiables à 100%. Il est donc important de considérer l’ensemble de ces indices lors d’utilisation de la chaux sodée. Enfin, il est préférable de changer la chaux sodée avant que la patient ré-inspire du CO2. Changer la chaux alors que le patient est sous anesthésie nécessite de changer le patient de machine, et passer du temps à changer la chaux, retardant la procédure et exposant le patient à l’anesthésie pendant une plus longue période. Le temps passé à faire ces manipulations ne sera pas dédié à la surveillance du patient, augmentant le risque anesthésique. De plus, certains indicateurs n’apparaissant que tardivement, le patient subira déjà les conséquences de la ré-inspiration de CO2.