Le risque 0 en anesthésie vétérinaire n’existe pas, et c’est malheureusement une réalité à laquelle toutes les cliniques doivent faire face. Que ce soit le risque anesthésique associé aux maladies, à la procédure ou à des erreurs, il faut apprendre à minimiser ces risques. Voici donc quatre astuces qui vous aideront à gérer le risque anesthésique.
Éléments clefs
- La gestion du risque est fondamentale en anesthésie
- De nombreux outils sont disponibles pour les praticiens
- Faire une anesthésie sans être prêt met la vie du patient en danger
- Le travail d’équipe est essentiel pour diminuer le risque anesthésique
- La qualité des soins est à la fois un prérequis et le résultat d’une bonne gestion du risque
1 – Utilisez les bons outils
Utilisez les outils disponibles
Divers groupes ont créé des outils pour l’anesthésie. L’AAHA (American Animal Hospital Association) a établi des lignes directrices qui encadrent la pratique anesthésique au sens large et discutent de certains mythes associés à l’anesthésie, comme la nécessité d’intuber chez les chats ou l’utilisation de certaines molécules pour certaines races. Cette même association a aussi établi des lignes directrices pour la gestion de la douleur. L’ACVAA (American college of Veterinary Anesthesia and Analgesia) a établi des lignes directrices pour la surveillance du patient pendant les anesthésies. Les lignes directrices sont disponibles sur les sites Internet de ces associations. Le statut ASA (American Society of Anesthesiology) est un outil évaluant l’état de santé du patient et permet de réfléchir aux risques anesthésiques qui lui sont associés. Il n’est utile que si déterminé avant l’anesthésie. Les livres de référence sont aussi très utiles, notamment lors de la préparation de l’anesthésie.
Développez vos propres outils
Les checklists sont un outil utile de gestion du risque. Les industries à haut risque (aviation, nucléaire, etc.) utilisent des checklists comme outils de gestion du risque. Les checklists sont reconnues comme des outils efficaces pour diminuer le risque et pour améliorer l’efficacité d’une équipe à gérer des imprévus. Contrairement aux idées reçues, les check-lists augmentent l’efficacité et la gestion du temps. Par contre, pour qu’elles soient efficaces, il faut que les checklists soient adaptées au lieu d’utilisation. Cela veut dire que les listes doivent être conçues par et pour l’équipe qui va s’en servir. En pratique vétérinaire, les checklists suivantes pourraient être utilisées : rapport d’anesthésie, feuille d’examen clinique, liste de matériel, liste des étapes de vérification des salles ou des machines, etc.
Faites appel à la communauté vétérinaire
Les anesthésistes vétérinaires sont disponibles pour répondre aux questions pour les cas les plus complexes ou les plus simples. Il ne faut surtout pas hésiter à appeler avant que des problèmes ne surviennent.
2 – Soyez prêt
Préparez votre journée à l’avance
Préparez l’emploi du temps de la journée, vérifiez que l’équipement (machine d’anesthésie et appareils de surveillance) est prêt et fonctionnel. Les machines devraient être vérifiées tous les matins et avant leur utilisation. Les appareils de surveillance devraient être vérifiés et prêts à être utilisés avant que l’anesthésie commence.
Préparez votre équipe
Assurez-vous que chacun sait ce qui doit être fait. Il est important que l’équipe (TSA et vétérinaires) connaisse les drogues anesthésiques utilisées (efficacité normale et effets secondaires). Cela permettra de détecter les réponses anormales et de mieux gérer les effets secondaires. Assurez-vous que l’équipe reste concentrée sur ses tâches. Il est facile de dériver et tomber dans la routine. Des étapes importantes seront délaissées, voire oubliées. Tant que tout va bien, personne ne le remarque. Par contre, le jour où un patient en souffre, les erreurs médicales vont coûter cher, pour le patient et pour l’équipe. Il est toujours important de traiter chaque patient comme s’il était votre propre animal.
3 – Travaillez en équipe
Communiquez
La communication est la clef au travail d’équipe. Cette communication doit avoir lieu entre tous les membres de l’équipe et être réciproque. Il est important que tous les membres de l’équipe sachent ce que les autres font. Présumer est le meilleur moyen d’avoir des problèmes. Idéalement, tout devrait être noté dans le dossier médical pour futures références. Il est aussi important d’avoir une stratégie en cas de problème, notamment savoir quelles sont les personnes et les ressources disponibles.
Connaissez vos rôles
Chaque personne dans l’équipe à un rôle à jouer. Les TSA sont la première ligne : ils accueillent les patients et sont responsables des gestes techniques de l’anesthésie (cathéter, intubation, etc.) et de la surveillance de l’anesthésie, et préparent l’ensemble de l’équipement. Leur rôle est d’être en quelque sorte un filtre entre les patients et les vétérinaires : parmi l’ensemble des informations qu’ils recueillent, ils doivent détecter ce qui est anormal et prévenir le vétérinaire responsable. Les vétérinaires sont responsables des procédures et des décisions médicales. Ils choisissent les protocoles d’anesthésie et les traitements lors de complications. Dans la plupart des cas, les vétérinaires font les chirurgies ou procédures et supervisent à distance la surveillance. Les propriétaires des patients font aussi partie de l’équipe. Il est important de les écouter attentivement. Certains peuvent avoir entendu ou lu sur Internet que leur animal est plus à risque. Même si cela est sans fondement la plupart du temps, il est toujours intéressant de les écouter, cela les rassure et peut permettre à votre équipe de détecter un problème potentiel. Le plus important est de demander quelle est la source de l’information, et si un animal de la même lignée a eu un historique de complication pendant les anesthésies.
Prévoyez votre charge de travail
Il est recommandé d’avoir une personne formée dédiée à l’anesthésie. Pour les patients en bonne santé et les procédures mineures, une personne devrait être disponible pour vérifier l’état de santé du patient au minimum toutes les 5 minutes. Pour les patients à risque (ASA 3 et plus), une personne dédiée uniquement au suivi de l’anesthésie et aux soins du patient devrait rester en continu avec le patient. Si vous prévoyez d’induire un patient pendant qu’une chirurgie est en cours et qu’un patient se réveille, vous aurez besoin de 2 ou 3 personnes, sans compter l’équipe de chirurgie.
Établissez vos stratégies de traitement à l’avance
Les traitements pour les complications mineures (hypothermie légère à modérée, profondeur d’anesthésie inadéquate, hypotension légère, etc.) peuvent être mis en place par les TSA sans consulter le vétérinaire. Cependant, même pour des cas bénins, le vétérinaire responsable devrait être au courant. Pour les cas plus complexes, le vétérinaire devrait décider du plan thérapeutique. Il est cependant important que les TSA soient à l’aise avec la mise en place du traitement. Une équipe rodée diminue le risque. En cas de mortalité ou de complication inhabituelle, et particulièrement si cela est le résultat d’une erreur, il est important de comprendre ce qui s’est passé pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. Discuter du cas avec les personnes qui ont été impliquées, sans les blâmer, est le meilleur moyen d’y arriver. Tout le monde fait des erreurs, il est juste important de ne pas les refaire deux fois.
4 – Viser la meilleure qualité de soins
La qualité des soins est à la fois un prérequis et le résultat de la gestion du risque. L’objectif de ce texte n’est pas de revoir l’ensemble des connaissances en anesthésie vétérinaire, donc seuls certains points d’importance seront détaillés. Il est important de changer notre façon d’évaluer la qualité des soins en anesthésie : la mortalité ne devrait pas être le seul indice de la qualité de l’anesthésie. La présence de complication (hypotension, hypothermie, réveil prolongé, etc.) devrait maintenant être utilisée comme l’outil de choix.
Soyez vigilant
L’utilisation des outils de surveillance est cruciale dans la gestion du risque. La surveillance des paramètres vitaux permet d’agir avant qu’une situation ne devienne problématique. La surveillance doit être faite pour chaque patient, dès que le niveau de sédation le permet. Il ne faut pas attendre d’être en chirurgie pour commencer la surveillance. Plus un problème est détecté tôt, meilleures sont les chances de le corriger et d’empêcher qu’il y ait des répercussions à long terme. L’utilisation de dossier d’anesthésie a été revue récemment dans un guide de soutien et d’accompagnement publié par l’Ordre des Médecins Vétérinaires du Québec (OMVQ). Un dossier d’anesthésie fait partie des recommandations de l’OMVQ, et doit inclure, entre autres, un consentement libre et éclairé, une feuille de protocole et une feuille de suivi d’anesthésie détaillant l’état du patient durant la procédure. L’ACVAA fait des recommandations similaires, mais ajoute que le suivi devrait être fait au minimum toutes les 5 minutes. Parmi les outils de surveillance couramment utilisés, on retrouve l’oxymètre de pouls, le capnographe, le doppler (ou autres appareils de surveillance de la pression sanguine) et l’ECG. Ces appareils, leurs avantages et inconvénients, sont détaillés dans d’autres textes sur ce site. La douleur devrait être évaluée avant, immédiatement après et régulièrement après la procédure. La douleur devrait être considérée comme le quatrième paramètre clinique. Une douleur mal gérée peut avoir un impact sur la santé du patient. L’évaluation de douleur est difficile, mais des outils existent.
Adaptez-vous au patient
Choisir un protocole adapté au patient évitera bien des complications. Le protocole doit être déterminé après un examen physique complet et en fonction des résultats des examens complémentaires. Le comportement du patient est un élément déterminant dans le dosage des sédatifs. L’utilisation de prémix est sujet à débat, et il est important de garder en tête qu’il faut souvent adapter les doses des agents de façon individuelle (i.e. il faut parfois diminuer la dose de l’un des agents, mais augmenter la dose des autres), ce qui n’est pas faisable avec les prémix. La présence de prémix ne devrait pas être utilisée comme excuse pour ne pas adapter les doses aux patients.
Viser les meilleurs soins possibles
Afin d’assurer la meilleure chance au patient, il est important de toujours proposer le plan idéal, même si cela passe par référer. Le client est en droit de refuser, mais le patient devrait toujours avoir une chance de bénéficier des meilleurs soins possibles.
Conclusion
Utiliser ces astuces vous permettra de réduire les risques pendant les anesthésies. La relation entre ces 4 astuces et la gestion du risque est illustrée dans la figure 1. Respecter des règles de base vous permettra d’améliorer la qualité des soins et gagner en efficacité. Votre équipe sera plus à l’aise et s’adaptera plus facilement aux cas les plus complexes ou aux inattendus.
Figure 1